La loi de Darwin (épisode 2)

La loi de DarwinJ’ai toujours connu le monde ainsi. Un beau bordel. Eh ouais, les ruines, les morts, les destructions, les villes abandonnées, les pillards qui s’étripent pour une boîte de conserve. C’est ma vie. Et je m’en sors plutôt pas mal.

Mais l’Écosystème, c’est une autre paire de manche. C’est quoi l’Écosystème ? Le truc qui nous a mis à genoux. Une faune hautement toxique qui grignote chaque année un peu plus d’espace vital. Faisant de nous une espèce en voie d’extinction… Qui doit lutter pour sa survie.

 

J’ai dormi deux heures, seulement quand le jour s’est pointé. Suffisamment pour recharger les batteries, mais pas assez pour ne pas avoir ce mal de crâne. Il y avait un essaim de cafards en chasse dans le quartier et qui ne s’est arrêté que lorsqu’il a trouvé un truc à becter. J’ai préféré pas savoir quoi. Je me suis habillée en vitesse, j’ai coupé les trois mèches de cheveux qui dépassaient de mon masque (une prise en moins en cas bagarre) et j’ai fini de frotter le sang de Tête de rat de ma veste et de mes protège-bras. On sait jamais, il avait beau avoir séché il n’en demeurait pas moins contaminé.

J’ai pissé un liquide épais et jaune fluo. Déshydratation. Mais merde, il me fallait une bonne demi-journée à chaque fois pour cuisiner un truc non contaminé. Qu’est-ce que je suis censée faire ? Passer ma vie à extraire de l’eau ? Alors au bout d’un moment, on préfère s’habituer à la soif et à la langue gonflée.

Ça m’a pris dix minutes à dégager l’armoire de mon squat, un vieux bureau au troisième étage d’un immeuble à peu près sain. Le soleil frappait la grande avenue. Macadam défoncé. Touffes d’herbes sauvages. Carcasses métalliques des voitures abandonnées. Immeubles éventrés, par les tirs des obus ou le temps. Le tout recouvert par cette couche de lichen orangeâtre plus épaisse à chaque migration. Ne ville bouffée par l’Écosystème. C’était signe qu’il allait falloir changer mes plans pour l’année prochaine.

À la recherche d’une flaque d’eau pas trop dégueulasse, j’ai dégotté dans un tramway à moitié cramé un chat qui s’est collé à moi en ronronnant. Affamé, même pas méfiant ! Un putain de petit-déjeuner de luxe ! Ça a calmé mon estomac.

J’ai pris la direction de la supérette et quand j’y suis arrivé, j’ai failli ravaler mon extrait de naissance. La poussière de la veille avait proliféré dans l’humidité et de gros fonges orange striés de veines rouges avaient poussé. Une vraie forêt qui arrivait à mi-cuisse. Jamais vu d’aussi hauts sous ces latitudes. Pas pour me faciliter les choses.

L’avantage, c’est que les bulbes avaient défoncé les grilles et que je pouvais y rentrer comme à la belle époque. Maman, papa, et toute la marmaille qui se trimbalaient sous les néons pour acheter de la viande en boîte. Le putain de bonheur.

J’ai vérifié mon masque et je me suis décidée à cramer une bouteille d’O2. Tant pis pour les réserves, mais il me fallait mes boîtes de raviolis. Eh ouais, la transhumance d’hiver, ça bouffe du temps et de l’énergie. Et ça oblige à des arrêts de ravitaillement dans des villes pourries bouffées par des spores.

Putain, qu’est-ce que déteste les grandes villes. Mais celle-là, c’était le passage obligé vers le Sud. Surtout quand on n’a pas d’autres choix que de suivre l’autoroute parce que mes cartes avaient pris l’humidité.

Cette putain d’antique cité, Lion m’avait dit un jour Tête de rat, un gros animal des temps anciens, a bien l’air décidé à vouloir ma peau.

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