Toi aussi, tu veux publier ton livre ? Tu cherches reconnaissance, amour, gloire, beauté, argent, cocaïne sur le capot des voitures, et les mêmes vestes que Bernard Pivot ? Mais tu ne sais pas comment faire, tu es un peu perdu sur la dangereuse planète de l’édition, où de vils renards te guettent avec leurs doigts avides (si, si). Ne t’inquiète pas jeune Marty Mc Fly, tel un Doc Brown moins vieux, je saurai te guider sur les routes de ton futur littéraire.
De : Rocco, Italie
Cher ami,
Un éditeur accepte enfin de publier mes odes et mes ballades sur le romantisme et le féminisme. J’ai même une attachée de presse !
Par contre, c’est une grosse glandeuse qui ne pense qu’à se goinfrer dans les salons parisiens sans rien faire pour moi. Elle n’a même pas fait de dossier de presse.
Dois-je la frapper violemment pour qu’elle s’exécute de cette tâche ? Parce que je l’ai déjà baisée, ça ne marche pas.
Gros bisous,
Rocco S.
Cher Rocco,
Comme je te comprends ! Pour m’être moi-même fait baiser (au sens figuré, par contre) par une bonne centaine d’attachées de presse, je ne peux que compatir à ta peine.
Un attaché de presse, c’est quoi ?
Pour ceux qui n’ont pas la chance de fréquenter ces êtres célestes, une attachée de presse (car ce sont plutôt de jeunes et jolies filles chargées de rabattre les gros porcs libidineux par un clignement de cils) est la personne qui met en place une politique de communication autour du roman et de l’auteur, et qui en assure la promotion auprès des journalistes de différents médias. Pour cela, elle utilise divers outils : dossiers de presse, revue de presse, communiqué de presse, conférence de presse, et plein d’autres trucs qui finissent en presse. Elle est aussi pleine de ressources : harcèlement téléphonique (mail et physique) des journalistes, séduction, hystérie, menace, tout ça dans le but d’obtenir après 300 heures de boulot acharné un article assassin de quatre lignes dans le Figaro Littéraire, que personne ne lit. Mais ne nous attardons point sur cette formidable profession, cher Rocco, car j’aurai l’occasion d’aborder le sujet un peu plus tard.
Chouette… mais c’est quoi un dossier de presse ?
Me demanderas-tu sûrement, un peu agacé par mon aparté. J’y viens, j’y viens, ce n’est pas parce que ton pénis fait quelques (dizaines de) centimètres de plus que le mien qu’il faut devenir agressif !
En résumé, un dossier de presse est un document thématique de quelques pages délivrant de l’information sous divers angles à destination des journalistes qui souhaitent parler de ton ouvrage. Il doit être à la fois synthétique pour ceux qui le survoleront, et plus approfondis pour ceux qui le liront et l’archiveront. À ne pas confondre avec la revue de presse, qui est un déballage totalement indécent des articles parus sur ton ouvrage, où avec le communiqué de presse, une brève chargée d’annoncer un « événement » ponctuel.
Il ne faut pas non plus hésiter à voir le dossier de presse comme un support qui te permettra de toucher beaucoup plus de cibles, et d’éviter de gaspiller de la salive pour expliquer maladroitement le concept de ton bouquin à des professionnels dubitatifs. Véritable plaquette commerciale, il peut servir à communiquer auprès d’investisseurs, de « personnes-relais » qui peuvent te faire de la publicité (associations culturelles, bibliothécaires, etc.), de diffuseurs, de libraires à l’occasion d’une séance de dédicace, ou même à d’autres éditeurs (si tu es en autoédition ou si ta maison t’a rétrocédé tes droits).
Ce que tu dois mettre dans un dossier de presse
Ton attaché de presse t’a torché un document à la va-vite, une pauvre feuille A4 avec le quatrième de couverture ? Dis-toi que de toute manière, le meilleur ambassadeur de ton livre, c’est toi-même ! Alors retrousse tes manches, hardis compagnon, et réalisons nous-mêmes notre propre
dossier de presse qui rendra jaloux les plus grandes stars du cinéma (porno) !
Un dossier de presse doit suivre quatre règles toutes simples : Information, attention, rédaction, émotion, sodomisation.
Information :
Dans cette formidable époque où les journalistes twittent pour trouver de la matière, il est important de leur donner une source exhaustive et fiable d’information. La tienne, en l’occurrence (tant qu’à faire). Ton dossier de presse doit donc s’articuler autour de trois grands thèmes, qui doivent contenir les informations suivantes :
> Le roman : Couverture. Quatrième de couverture. Un petit extrait (une ligne ou deux, bien percutantes). Le synopsis détaillé (normalement avec la fin, car le journaliste qui n’a jamais le temps de rien lire doit pouvoir faire semblant dans les cocktails mondains). Une critique de lecteur (ou celle de ton éditeur, souvent plus percutante 😉 ).
Tu peux agrémenter avec d’autres informations : Quel genre littéraire ? Qui sont tes personnages ? Quelles sont les thématiques abordées ? Où se situe l’action ?
> L’auteur : Bio rapide (pas des tartines, ce n’est pas un CV). Tes romans précédents ou tes nouvelles, s’ils ont été publiés ailleurs que sur le journal familial pour mémé Rocco. Ton site Web, tes réseaux sociaux. Qui tu es ? D’où viens-tu ? Quelles sont tes références culturelles ? Quel message souhaites-tu faire passer (s’il y en a un) ? Comment as-tu été édité ? Qui est ton maître à penser ? Quel est ton parcours ? Pourquoi écris-tu ?
> Les éléments connexes : Focus sur un point particulier qui te paraît « vendable » (lieu où se situe l’action -pour les journalistes locaux-, psychologie des personnages, noirceur de l’intrigue, etc.), sur des aspects techniques liés au livre : taille, poids, n° ISBN, disponibilité en librairie, et sur les contacts professionnels, mail et téléphone.
> L’éditeur (oui, je sais, ça fait quatre mais c’est un point facultatif alors ça ne compte pas) : Ligne éditoriale. Description de la collection dans laquelle s’insère ton ouvrage. Histoire de ta publication (si elle est originale). Sois objectif et évite la lèche (mon merveilleux éditeur c’est le plus sympa du monde et en plus il est cool et il m’a présenté à Frédéric Beigbeder)
Il n’y a pas d’architecture type pour organiser ton dossier, mais, personnellement, j’ai un petit faible pour la suivante, qui permet de bien structurer l’information :
Page 1 : sobriété, juste la couverture (avec le nom d’auteur et le titre)
Page 2 : le sujet, le roman, le plus important
Page 3 : l’auteur, et des petites choses connexes (pour ne pas faire trop narcissique)
Page 4 : le petit bazar, infos techniques, présentation de l’éditeur, contacts, etc.
Attention
Construire un dossier de presse, c’est comme s’adresser à un gosse de trois ans turbulent incapable de se concentrer plus de cinq secondes. Il faut donc qu’il soit simple à lire, facile d’accès, et qu’il donne envie.
Comment ?
> En allant droit au but : il faut se concentrer sur l’essentiel. Inutile de perdre du temps en fioriture ou en délire romancé. De l’information brute, utilisable directement par le journaliste.
« Né le 18 août 1962 à la clinique St Marthe d’une mère secrétaire de direction adorant les parties de belote coinchée et d’un père gendarme ayant connu ses heures de gloire durant la guerre d’Algérie alors qu’il abattait de l’infidèle païen musulman islamiste terroriste à
coups de mitrailleuse, l’auteur Jean Pignon passe son enfance à chasser la gallinette cendrée avec son oncle Gustave dans les bois de… »
Pas bon ! Dis-toi simplement que tu dois retirer tout ce qui n’a pas un rapport direct avec le bouquin.
> En variant la forme… : pourquoi se contenter d’une mise ne page austère quand on peut faire des choses beaucoup plus sympa ? Bouscule les habitudes, mets un fond de couleur, utilise des zones de texte qui te permettent d’adopter des formats plus originaux. N’hésite pas à t’inspirer
d’une mise en page presse des magazines actuels. Un dossier de presse, c’est comme un bon plat, ça doit donner envie avant d’être bon.
> … et le fond : vomir de l’information compacte n’aide pas à s’immerger dans ton univers poétique, cher Rocco. Tu peux rendre les choses plus distrayantes avec des phrases d’accroche ou autres slogans, interviews, brèves, articles courts, portraits, citations, etc.
Par exemple, j’ai moi-même préféré mettre l’accent sur ma démarche en tant qu’auteur par le biais d’une fausse interview (ben oui regarde donc le nom de l’intervieweur dans le dossier de presse juste en dessous, cela ne te dit rien ?)
> Donner des chiffres : Les chiffres, c’est super. C’est objectif, ça fait joli dans un encart, et ça résume la situation très rapidement. Nombre d’amis sur Facebook, nombre de fans, nombre de pages vues sur ton blog, nombre de livres précédents vendus, nombre de séances de dédicace déjà effectuées, nombre de chroniques consacrées à ton roman, etc. Bref, tout n’est que chiffre !
> Faire joli : en mettant de la couleur et de belles photos pas trop ringardes (évite celles en slip de bain, même si tu n’as absolument pas à avoir honte de ton anatomie, cher Rocco, ou celles qui te font un air de kéké). Lire, c’est quand même bien chiant. Les gens n’aiment pas trop ça, il ne faut pas hésiter à aérer pour rendre le texte plus digeste. Il ne faut pas avoir peur du vide.
> Ne pas faire trop joli : le mieux est l’ennemi du bien (surtout si tu as mauvais goût. Je sais par exemple que les dijonnais se sont faits une spécialité dans cette thématique, car je vois régulièrement chez ces chaleureux habitants, tapisserie de l’horreur, carrelages immondes et… bref) : pas de jolis bandeaux lumineux, de designs psychédéliques avec de grosses fleurs mauves / des nourrissons / des petits chats, ou de polices de caractère trop ésotériques. Le fluo, c’est le mal. Évite aussi le racolage et la publicité trop agressive.
Rédaction
Combien de fois ai-je pu voir des dossiers de presse saturés de fautes d’orthographe, de grammaire, où au style approximatif…
Pourtant, cher Rocco, c’est un document technique qui demande beaucoup moins de travail qu’un roman. Cela ne devrait pas être trop compliqué de le relire deux ou trois fois.
Soigne donc ton orthographe, évite les jugements de valeur (non, les femmes ne sont pas toutes des salopes, mon cher ami), ne fais pas de commentaires trop personnels et tiens-toi en aux faits. N’essaie pas d’en rajouter, cela se sentira immédiatement.
« Après avoir vendu 3 millions d’exemplaires de son livre en France, en Amérique et dans le pays encore plus loin où il y a plein de gens aux yeux bridés, J. Heska est passé en dédicaces à Pouilly / Marne et à Melun les Rombières. »
Pas bon !
Émotion
Probablement la partie la plus importante, car c’est celle qui intéresse le plus les journalistes grâce (à cause) de l’effet télé-réalité.
Mais qu’est-ce donc l’effet « télé-réalité », me demanderas-tu à nouveau, ébahi par tant de culture ?
Celui qui n’est jamais tombé en extase devant un épisode de Confessions Intimes du type « J’aime plus le tuning que mon fils » ou « Je me déguise en chien » ne peut guère comprendre. C’est le fait de résumer les trajectoires personnelles, les caractères, les expériences par de grosses ficelles bien voyantes. Une sorte de caricature qui permet de juger en moins de trente secondes (les gens adorent). Tout ça pour dire que ton dossier de presse doit raconter une histoire passionnante, mais qui, contrairement à Confessions Intimes, te mettra en valeur.
C’est à toi de créer ta propre légende en connexion avec ton roman. Tu en un romancier, pardi, ce n’est pas trop difficile !
Après, le tout est de savoir se mettre en valeur. Tu n’es pas un bouseux qui écrit sur des sujets dont tout se fout, mais un auteur fortement ancré dans le terroir. Pas un geek, mais un auteur nouvelle génération qui puise ses références culturelles dans les nouveaux médias. Ton éditeur n’est pas inconnu, mais privilégie la qualité à la quantité. Bref, tous tes défauts se transforment en qualité sous ta plume.
Attention toutefois à l’effet boomerang.
C’est chouette, mais je ne suis pas graphiste, comment je fais ?
Tout bête. Pas besoin de maîtriser l’outil Photoshop comme ton pénis pour construire ton dossier de presse, petit Rocco. Moi-même, j’ai tout fait sous Word avec des outils tout simple : un fond de couleur qui rappelle la couverture, des boîtes de dialogue qui permettent de coller mon texte un peu partout, des photos, et le tour est joué !
Allez, je suis sympa, je te mets mon dossier de presse en téléchargement. Tu peux pomper (en tout bien tout honneur) tout ce que tu veux, cher Rocco. Et voir à quel point je n’ai pas suivi mes merveilleux conseils…
Enjoy !
Gros bisous,
J. Heska
Pour télécharger mon fabuleux dossier de presse, c’est ici
Mais c’est l’enfer d’être écrivain!! 😉
Y aura t’il un jour une ptite nouvelle sur les avantages d’être écrivain? hi
Je plussoie Aurélie !
@ Aurélie : Je ne comprends pas, tout ce que je décris là sont pourtant les avantages à être écrivain, je n’ai pas encore attaqué les inconvénients 😉
@ Robert : Je ne comprends pas Robert, tout ce que je décris là… 😉
recueillis par Dark Vador?
Mouahaha
Ca passe ça ?
@ Alice : Personne n’a fait gaffe, pourtant, ils sont nombreux à avoir pompé l’interview 😉
dis donc, tu veux t’attirer les foudres des attachées de presse ? ^^
pas mal ton dossier de presse. par contre, une question, c’est toi qui l’imprime et le donne aux journalistes ? est-ce que ta maison d’éditions l’utilise aussi quand un SP est demandé par des
journalistes ?
@ Anna : c’est vrai que j’y vais un peu fort. Mais bon, les quelques expériences que j’ai eues (et dont on m’a parlé) ne sont pas hyper tendres non plus…
Et pour répondre à ta question, c’est bien le dossier de presse que j’ai fait (avant que la 1ère attachée me plante) qui me sert à moi ainsi qu’à ma maison d’édition pour pratiquement tous les
usages. On sollicite beaucoup par mails (90%), suivi d’un appel téléphonique, donc ce n’est qu’un fichier PDF à envoyer. Pour le reste, j’imprime et je transmets par courrier ou à la main, lors des
demandes de SP effectivement ;-). À ce niveau on applique une politique raisonnable comparée à celle de certaines maisons d’édition qui envoient des SP comme des bouteilles à la mer, sans jamais
aucun retour. On sollicite le journaliste avec le ddp, et s’il est intéressé, on envoie le reste. Il y aurait de quoi faire un nouvel article sur ce sujet 😉
Déja deux ans dans l’Univers de J.Heska !
Un premier roman !
Excellente continuation .
Hi, hi, merci 🙂 Faudrait que je pense à fêter l’anniversaire 😉
bonjour bonjour,
et merci.
Non non, je n’ai pas encore lu ton bouquin, ce qui ne saurait tarder.
Pour l’heure, je viens juste te remercier pour cet article là. Grâce à toi, j’ai passé un été pourri à m’arracher les cheveux à essayer de me faire un communiqué de presse 🙂 et au final, après maintes déboires et mésaventures, ça y est, je l’ai, ma plaquette !
Et je dois dire que parmi toutes les infos trouvées sur le web, c’est ton article qui m’a le mieux aidée.
Donc, merci ! ^^’
et bonne continuation ^^’
about.me/basak
Merci de ta visite sur ce blog et pour les remerciements 🙂
Quoi ?! Tu n’as toujours pas acheté mes livres ! Mais à quoi ça sert que je fasse des articles sur le blog si je n’arrive pas à fourguer mes produits ! 😉
Plus sérieusement, je suis ravi si cet article a pu t’aider dans ta démarche. Par simple curiosité, ça t’ennuierait de me le montrer pour voir ce que ça donne ? (et puis je pourrais te faire un peu de pub à l’occasion 😉 )
ps : je démarre un blog, je me suis permise de faire un lien vers le tien. Si ça pose pb, dis-le moi : http://collinemonde.blogspot.fr/
Au contraire, c’est super sympa ! Dès que je remettrais en place ma page de liens, je mettrais le tien aussi 🙂