L’étrange histoire incroyable de BzzZ bzzZ la mouche

 

Il est des héros si petits que l’on peine à s’imaginer qu’ils peuvent accomplir
de grandes choses.

Et pourtant.

 

Voici l’histoire de l’un d’entre eux.

 

— Non BzzZ bzzZ ! N’y va pas ! Personne n’est jamais rentré de cette terre maudite !

— Je veux comprendre ce qui s’est passé, Bziz Bziz.

— Mais BzzZ bzzZ, c’est dangere…

— Laisse-moi, femelle stupide*. S’il existe un infime espoir que mes frères soient encore en vie dans la grotte d’où
aucune mouche n’est jamais revenue, je me dois d’y aller, le cœur tubulaire vaillant, et de les sauver.

 

Les milliers d’yeux de BzzZ bzzZ lançaient des éclairs. Sa décision était prise, les lamentations de sa sœur n’y
changeraient rien. Il avala son dernier morceau de gras de poisson faisandé, déploya ses ailes et prit son envol du nid familial. Il virevolta autour de son tas d’ordures si réconfortant, là où
sa mère, cinq jours auparavant (une éternité en y repensant), avait mis au monde trois cents de ses frères et sœurs. Maman a toujours voulu une lignée restreinte, pensa-t-il en se remémorant ses
amis Bza Bza et Bzou Bzou, qui avaient chacun deux mille frères et sœurs.

 

La vague de nostalgie qui l’envahissait se brisa soudain. Gonflant ses milliers de trachées d’un oxygène frais, il prit
lentement de l’altitude, vers la grotte maléfique. De mémoire d’insecte, jamais on n’avait vu endroit aussi mystérieux. Une cinquantaine de ses frères y avaient été attirée par une vieille
légende de plus de deux jours, affirmant qu’elle recelait un fabuleux trésor. Ils n’avaient pas reparu. Tout comme une dizaine d’autres aventuriers téméraires (et même le célèbre Bzindiana bzz,
qui avait pourtant résolu les énigmes de l’arche mouche et des crânes de bzur-bzur). Bien sûr, nombre de ses connaissances disparaissaient régulièrement dans des grottes similaires où vivent de
gigantesques animaux à la peau rose et sucrée, mais c’était la première fois qu’une telle hécatombe avait été répertoriée.

 

Après un très long voyage de plus de vingt minutes, il arriva en vue de ce lieu de désolation. Les murs verticaux et
transparents de la grotte reflétaient les rayons du soleil. BzzZ bzzZ se glissa prudemment dans l’entrouverture, puis voleta au sein de l’espace confiné.

Semblable à de nombreuses cavernes qu’il avait déjà visité. Des gros cubes un peu partout, des plantes où il pourrait
nidifier, des odeurs agréables, une multitude de recoins où il saurait se dissimuler. Mais aucune trace de ses frères.

 

 

Il plongea vers une panière qui avait attiré son attention. Beurk, elle ne contenait que des fruits frais. Soudain, alors
qu’il prenait à nouveau de l’altitude, il la sentit immédiatement : une fragrance puissamment délicieuse provenant d’un immense réceptacle. BzzZ bzzZ lécha ses babines. Il oublia aussitôt l’objet
de sa mission*. Des restes de crevettes, mélangés à des peaux de banane et des croûtes de fromage : une alliance subtile des arômes les plus fins. La légende était donc vraie, cette grotte
renfermait bien un doux trésor. Ses frères avaient raison.

 

1174195115_1f2f1177f6.jpgIl voleta doucement autour de cet eldorado
nourricier. Une magnifique occasion d’apporter une dot pour enfin trouver une épouse. Si Bzu Bzu n’était pas morte ce soir, il pourrait peut-être s’accoupler avec elle. Après tout, il n’allait
pas finir vieux garçon comme Bzo Bzo, qui n’avait pas pris femme alors qu’il avançait sur son quatrième jour.

Mais comment atteindre la merveilleuse nourriture, scellée derrière cette montagne solide ? BzzZ bzzZ colla sa
langue contre la cloison aux relents métalliques. Elle dissimulait tous les délices qui lui revenaient de droit. Il se déplaça nerveusement, l’odeur était plus forte à proximité d’une fente dans
la paroi. Il lui fallait goûter ce fabuleux nectar.

Il fouilla, passa ses pattes dans l’entrouverture, il arrivait presque à l’atteindre. Bientôt il serait riche et
pourrait…

 

SPLAFFFFF

 

— JE L’AI EUE !

 

 

— Ça faisait un bout de temps qu’elle me narguait celle-là !

— C’est dégueu… Tu l’as coupée en deux avec ton chausson.

— Bon, je vais vider la poubelle, je crois que c’est ça qui les attire… Ça commence à fouetter.

 

 

C’était l’histoire héroïque de Bzzz Bzzz la mouche.


   
* Malheureusement, les mouches n’ont pas encore inventé le féminisme.

* Malheureusement, les mouches n’ont pas encore inventé le sens des priorités

 


6 réflexions au sujet de « L’étrange histoire incroyable de BzzZ bzzZ la mouche »

  1. 😀 AAAAAAAAA hahahaha !
    Alors ça J’ADOOOOORE !!! 🙂
    Trop droles les rapports de temps, hahaha, genial.
    Le vieux garçon de 4 jours, la nana peut-être morte le soir, les 300 fréres ahahha !
    Excellent !

  2. Joli, bravo 🙂

    Et instructif 😉

    Un tel dessein brisé… Par un chausson XD

    Et nous, sommes-nous des mouches, que de gigantesques animaux à la peau rose et sucrée peuvent découper en deux d’un revers de chausson… ?

    • Emmanuel, je crois que tu viens de pointer toute la force et la puissance de ce grand conte philosophique et moral qu’est l’histoire de BzZ bzzZ la mouche : il a l’intérêt de poser la grande question de notre place, en tant qu’être humain, au sein de l’Univers.
      Ha ha ! 😉

Laisser un commentaire