Si vous lisez ce message, c’est que vous êtes un survivant

 

J’adresse ce message aux survivants du cataclysme. Nous sommes le 21 décembre 2012, date amère gravée dans le calendrier Maya où le monde s’est écroulé. J’ignore ce qu’il se passe dehors. Je suis enfermé dans mon abri sécurisé, et grâce au reportage de 100% Mag la semaine dernière sur les survivalistes, j’ai pris toutes mes précautions : une serpillère triple épaisseur pour éponger en cas de tsunami, des doubles rideaux contre les radiations, deux boîtes de cassoulets William Saurin en cas de quarantaine (et au pire on peut manger mon chat), un pack complet de Volvic, trois pansements ainsi que de l’alcool à 90° pour assurer les premiers soins chirurgicaux, un couteau à beurre Ikea (juste un peu émoussé) pour se défendre au cas où, et surtout, l’intégrale de Didier Barbelivien pour lutter contre la morosité (ce n’est pas parce que les zombis frappent à la porte qu’on ne peut pas s’offrir un orgasme auditif).

 

Comme vous pouvez le constatez, je suis bien préparé à la fin du monde, parfaitement équipé et disposé à porter assistance aux survivants perdus dans l’agglomération dijonnaise, surtout si lesdits survivants sont de sexe féminin, plutôt mignonnes et sans mari / copain / parent / famille (envoyer photo avant demande de secours). Je suis également disposé à…

 

— Qu’est-ce que tu fais ?

Ava vient de soulever la couette dans laquelle je m’étais emmitouflé depuis ce matin. Je retire les doigts de mon clavier, j’écarquille les yeux, je n’arrive pas à y croire.

— Ava… Tu es vivante ?

— Ça sent le fauve. Ça fait combien de temps que tu macères dans ton jus ?

Je me précipite dans ses bras en pleurant.

— Oh mon Dieu ! Tu as survécu !

— Euh… Enfin, comme tous les soirs. Je sais bien que c’est pas facile avec mon boss, mais il n’y aucune raison que…

Je prends son visage dans mes mains et me mets à la secouer.

— Mais c’est la fin du monde aujourd’hui ! Vingt et un décembre 2012 ! J’ai cru que tu étais prématurément décédée !

— Ah oui, c’est vrai que c’est aujourd’hui.

— Je me suis caché et je me suis préparé. Mais je ne t’ai pas oublié, j’ai mis une photo de toi juste devant ma compilation de Didier Barbelivien pour t’honorer et…

— Tu veux dire que tu es resté à glander toute la journée à la maison ?

— C’est parce que c’est la fin du monde…

— Tu savais que c’était la fin du monde et tu ne m’as pas retenu avant d’aller au boulot ce matin ?

— J’ai fait un autel à ta gloire devant mes CD de Didier Barbe…

— Tu commences à m’enterrer sans savoir si je suis réellement morte et sans chercher à me retrouver ?

J’essuie mon visage ruisselant de sueur et je me racle la gorge.

— Non, c’est pas ça du tout. Je réfléchissais en trois dimensions.

— J’attends avec impatience que tu m’expliques tout cela.

— Comme c’était la fin du monde, ça ne servait à rien de me prendre la tête. Je me suis, autant que moi je reste vivant avec le chat afin qu’une humanité plus forte et plus belle puisse jaillir des cendres du chaos et de la destruction pour le plus grand bonheur des générations futures qui pourraient chanter nos loua…

— Qu’est-ce que tu faisais ?

Sans même attendre de réponse, elle prend l’ordinateur et lit les lignes sur mon blog.

— C’est la fin du monde, tu me laisses crever dehors et tu en profites pour draguer sur le web avec une boîte de cassoulet et deux sparadraps ?

— C’est du William Saurin.

Elle lève les yeux au ciel. Je m’humidifie les lèvres.

— Je peux récupérer mon ordinateur pour finir mon article du blog ?

— Si tu arrives à le retirer de ton rectum, bien sûr.

 

 

Et voilà, si vous lisez ces lignes c’est que vous êtes encore vivant et que vous avez bientôt survécu à la fin du monde (et que j’ai réussi à retirer vingt centimètres de coque en aluminium brossé de mon anus). Bravo !

 

 

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