Suite au final de la saison 2 de l’excellente (mais annulée) série Stargate Universe, qui a laissé une certaine frustration, voici donc la petite histoire qui conclut la série ! Bienvenue dans la saison 3 🙂
Le haut-parleur du talkie-walkie est saturé par une bouillie informe d’ordres, de coups de feu, de cris, de râles et de sons aux connotations moins terriennes.
— Vous êtes sûr de ce que vous faites ?
— J’ai eu tout le temps d’étudier ces systèmes, résonne la voix d’Eli dans mon esprit, tandis que mes mains s’acharnent sur le clavier sans que je ne sache vraiment ce qu’elles accomplissent.
Plus perfectionné qu’un HAL 9000.
— Vu comme ça c’est terminé…
— Euh… oui. D’habitude, ils ne comprennent pas mes références…
Il me fait extirper une sorte d’électrode en métal reliée par un fil de cuivre à la console et me la plaque contre la tempe.
— Dépêche-toi, dit-il. Moi, ton corps, le vaisseau, mon corps.
— Dans votre prison minérale ? Et si le transfert foire ? Qu’il reste un petit bout de vous en moi ? Ou que c’est mon esprit qui se barre ? Ou qu’il est complètement effacé ? Ou que ça grille mon cerveau ? Je finirai comme un steak haché de l’Intermarché !
— Don’t Panic…
Je n’ai pas le temps de lui dire qu’il est agaçant avec ses allusions SF, qu’un bourdonnement monte derrière ma nuque. Lorsqu’il atteint l’arrière de mon crâne, je grimace et cache mon visage dans mes mains. Un fer à souder chauffé à blanc laboure mes neurones et liquéfie ma matière cérébrale, comme pour mieux la faire couler par mes narines.
— C’est très… douloureux, arrivé-je à peine à articuler.
— Ça fonctionne, indique la voix d’Eli, de plus en plus lointaine. J’ai le contrôle sur les systèmes du Destinée. J’envoie un kino.
Je halète. Je puise dans mes dernières forces pour me pencher vers l’écran. Les images que la caméra transmet ne sont pas réjouissantes. Les balles des militaires retranchés derrière les caisses en aluminium montées à la
va-vite sifflent un peu partout. Les envahisseurs sont toujours plus nombreux, ils émergent de la porte des étoiles et, protégés par des boucliers translucides, progressent en tirant,
indifférents à la puissance de feu qui s’abat sur eux. Les déflagrations arrachent de gros morceaux de métal aux parois du Destinée, ou projettent les terriens à des dizaines de mètres.
Des corps jalonnent le sol. Le colonel Young est parmi eux.
Je sens un coup derrière la nuque. L’oppression sur mon système nerveux vient de cesser. Je me repose sur la console pour ne pas tomber. Le transfert est terminé, un voyant vert clignote. Une
nausée remonte le long de mon œsophage en une boule brûlante que je ravale avec dégoût.
— Eli, vous êtes là ?
Un message compréhensible s’affiche sur l’écran.
« Oui. Donne l’ordre d’évacuer. Je vais fermer le vortex et couper l’approvisionnement en oxygène. »
— C’est quoi un vortex ?
« Fais ce que je te dis ! »
— Je n’ai aucune idée de la façon dont je peux m’y prendre…
« Le talkie-walkie ! Vas-y, la force est en toi ! »
Je farfouille autour de moi et retrouve celui que Rush a oublié et qui me casse les oreilles depuis tout à l’heure. Je mets deux minutes à comprendre son fonctionnement, puis je pousse un petit bouton noir sur le côté. L’appareil couine.
— Euh… Allo… dis-je sans être sûr que l’on m’entende. Eli a dit qu’il fallait évacuer la salle de la porte.
La réponse ne tarde pas.
— Ici Scott, qui utilise ce canal ? À vous.
Je distingue à peine sa voix dans les crépitements du combat.
— C’est moi.
— Notre invité, intervient Rush sur la même fréquence. Ne l’écoutez pas. J’ignore comment, mais sa présence n’est pas étrangère à l’invasion.
— Rush, on dérouille ici. Est-ce que vous pouvez nous aider ? Young est à terre. À vous.
— Que croyez-vous que je sois en train de faire ? Je suis dans la salle de contrôle, je n’arrive pas à isoler les compartiments. Les systèmes sont bloqués.
Je prends une grande inspiration, et approche le micro de mes lèvres. Nouveau chuintement de talkie.
— Eli était dans ma tête et il vient de se télécharger dans le vaisseau. Il veut couper l’oxygène. Il faut que vous partiez pour qu’il puisse le faire.
— Ne l’écoutez pas, répète Rush. Il ment. C’est un alien.
Silence au bout de la ligne.
— On évacue ! ordonne soudain Scott sur le canal.
Je souffle de soulagement, même si j’espère ne pas provoquer de cataclysme par mes actions. À travers l’écran, les militaires lancent un assaut d’une violence inouïe sur les monstres. Ils arrivent à les faire reculer suffisamment pour rapatrier les blessés et procéder à une retraite en ordre. Dès que le dernier d’entre eux (je reconnais la silhouette du sergent Greer) s’échappe, les portes se verrouillent.
Aussitôt des bruits étranges de plomberie montent. La porte des étoiles se coupe, stoppant l’arrivée massive des renforts. Les aliens bleus, d’abord déconcertés, se réorganisent rapidement. Au moment où ils se décident à pointer un énorme canon en cours d’assemblage vers un des accès verrouillés, je constate un changement dans leur attitude. Ils abandonnent l’assaut, se mettent à
s’agiter de manière aléatoire en se tenant la poitrine. Certains tombent au sol, inanimés. D’autres se précipitent sur le boîtier de commande. L’anneau répond présent et reprend sa drôle de danse saccadée.
— Tu les laisses partir ?
« Je les envoie dans un endroit où ils ne pourront plus nuire » réplique un message d’Eli agrémenté d’un smiley.
Le vortex s’ouvre. Je ne peux m’empêcher de m’émerveiller. C’est comme une explosion de gouttelettes de brume qui se propagent et s’évaporent aussitôt. Une fois cette déferlante passée, le fluide reflue au centre de l’anneau et ondule paisiblement. Les derniers extra-terrestres encore en état de marcher poussent péniblement leurs compagnons inanimés vers cette issue de secours. Certains y arrivent, d’autres tombent au sol comme des arbres frappés par la foudre et ne se relèvent pas. La victoire est acquise. Le vortex s’éteint. Il ne reste que des corps cherchant un air n’existant plus en train d’agoniser au sol.
« Eli, isole les passerelles supérieures ! » hurle la voix de Scott au talkie-walkie. « Il y en a qui se sont faufilés ! »
Une étrange odeur salée envahit la pièce. Je me retourne. Le cristal qui entoure Eli chauffe sous l’effet d’un laser s’échappant du collier enserrant ses tempes, arborant à présent des couleurs albâtres. L’écran affiche de nouveau un temps de chargement. Le minéral se fissure, je vois mêmes ses doigts bouger, l’esprit d’Eli réintègre son enveloppe charnelle.
L’explosion déchire la console à côté de moi. Le souffle me soulève comme une feuille séchée par le soleil d’été, embrase ma peau et mes cheveux, plante des débris de métal au sein de ma chair, et m’envoie valser contre le mur. La statue d’Eli roule au sol et se fracasse dans un bruit de verre brisé.
Hébété, je me tortille au milieu des débris. Je crache une pâte épaisse faite de poussière et de cendre, quand je vois deux pieds bleutés entrer dans mon champ de vision. Un envahisseur.
C’est lui qui a tiré. Je lève la tête, il pointe son arme droit sur moi d’un air menaçant.
Ma respiration se bloque. Plusieurs détonations fusent dans l’atmosphère confinée. Je n’ai pas le temps de revivre mon existence en accéléré, un cri surréaliste perce mes tympans, l’extra-terrestre vacille et tombe au sol.
height= »191″ width= »209″>Le lieutenant Scott et le sergent Greer baissent leurs armes encore fumantes et s’avancent vers moi. Scott me tend sa main pour m’aider à me relever, ce que je fais avec une grimace de douleur. Mon épaule est brûlée, la peau se craquèle et libère des torrents de sang.
— Je crois que j’ai morflé…
— Où sont les autres ? me demande-t-il.
— Ils avaient mieux à faire…
Greer se renfrogne. Soudain, un mouvement derrière moi les alerte. Le sergent donne un coup de pied dans un morceau de siège, muscles crispés sur son fusil. La silhouette massive d’Eli apparaît en dessous. Il est vivant, débarrassé de son cristal.
— Eli Wallace, lance-t-il, visiblement heureux de le voir.
Pour toute réponse, Eli se contente de tousser bruyamment.
Je n’ai pas le temps de leur répéter à nouveau que j’aimerais rentrer chez moi que le mal de crâne revient à l’assaut. Je m’affale sous le choc, une buée se dépose à l’intérieur de ma cornée, je distingue à peine les contours des personnes en face de moi. Un filet de sang s’échappe de mon nez. Je sens ma respiration faiblir jusqu’à ce qu’un voile noir tombe devant mes yeux.
Et voilà, fin de l’épisode quatre ! La suite ici :
Tu commences à ressembler à un steak haché d’Intermarché !
Excellente soirée .