23 heures GMT
Un seau d’eau sur le visage. J. Heska se réveille. Il est suspendu au dessus du bassin, attaché par une lourde chaîne en fer. Le garde lui
demande ironiquement si tout va bien, puis s’approche d’un clavier de commande.
— Tu as l’adieu des patrons.
Un bruit sourd résonne. L’écrivain retient sa respiration. Le crochet qui le retenait est soudain libéré. Il tombe dans l’eau, et coule
rapidement devant la grande baie vitrée où Antoine Gallimard et Loukoum admirent avec gourmandise sa détresse. J. Heska se débat. Les chaînes sont trop serrées. Il rampe au sol pour attraper
un couteau émoussé qui traîne dans le fond, mais n’y arrive pas mieux. L’air dans ses poumons se raréfie. Il cherche. Le bassin est une immense caverne alimentée par une rivière souterraine,
probablement un bras oublié de la Seine, l’eau est trouble et oppressante.
Ses poumons le brûlent. Il grimace, il déteste cela. Tant pis. Par quelques mouvements rapides, il se déboîte l’épaule, et fait passer la
chaîne par-dessus sa tête. Gallimard et Loukoum s’agitent derrière la baie vitrée. Trop tard. L’écrivain saisit le mini-pistolet qu’il garde toujours à la cheville et tire. Le verre explose sous
l’impact, un torrent d’eau se déverse.
Minuit GMT
Le bureau est noyé sous trente centimètres d’eau. Une alarme résonne, l’électricité se coupe, une lumière rouge écrasante irradie des
plafonds. L’ordre d’évacuation pour le personnel est donné. J. Heska voit sur les écrans de contrôle la petite fourmilière dédiée à la destruction des manuscrits des jeunes auteurs s’agiter dans
tous les sens, paniquée, et se diriger vers les issues de secours.
Antoine Gallimard hurle aux quelques gardes restants encore hagards de refermer les vannes, afin d’éviter que le complexe ne soit noyé sous
les eaux boueuses de la Seine. Et il se tourne vers J. Heska.
— Tu ne vas donc jamais mourir !
L’intéressé se relève difficilement. Son épaule le fait souffrir. Il crache afin d’évacuer l’eau poisseuse. Gallimard retire sa chemise et
contracte ses muscles saillants, luisants d’humidité. Puis il fonce sur sa victime et lui assène un violent coup de genou à l’estomac. L’auteur, affaibli, n’arrive pas à esquiver.
— Tu vas payer pour tout cela ! Pour ton livre qui n’aurait jamais dû voir le jour ! Pour ton talent d’écrivain
capable de bouleverser l’humanité ! Je resterai le plus grand éditeur ! Le maître du monde !
Il l’agrippe par les cheveux, et le noie sous l’eau. Des mouvements d’épaules nerveux tentent de renverser l’équilibre. Mais
rien n’y fait. Après une série de spasmes violents, J. Heska se fige.
1 heure du matin GMT
Antoine Gallimard relâche son étreinte. Un sourire envahit son visage. Soudain, l’écrivain jaillit de l’eau, et lui assène un coup en pleine
gorge.
L’éditeur recule, surpris. Il touche son cou. Broyée par la force de l’impact. Il crache un peu de sang, et, après un dernier gargouillis,
s’enfonce lentement dans l’eau.
J. Heska tourne la tête. Loukoum a disparu. Deux gardes sont en train de péniblement tirer des leviers pour fermer les vannes. L’auteur les
menace de son arme, et leur ordonne de s’en aller. Après quelques secondes d’hésitations, ils s’exécutent. J. Heska pousse les leviers. Un torrent jaillit.
Puis, il suit le parcours fléché et se dirige vers la salle d’incinération. Là, il découvre des piles de centaines de manuscrits et de livres
à détruire. Il fouille, trouve un exemplaire de « Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir », le place dans un sac hermétique, et rejoint le couloir inondé.
Il sort du bunker, dans une cour isolée à proximité immédiate du siège des éditions Gallimard. Il referme la porte blindée derrière
lui.
Tout est fini.
2 heures du matin GMT
Caraïbes. Au bord d’un lagon.
— Madame, votre Pina Colada…
Loukoum prend le verre du plateau du serveur nain, qui arbore un fier badge Passe-Partout sur sa chemise à manches courtes, bois une gorgée du
breuvage délicieusement frais, et se repose dans son transat. Le soleil brille sur sa peau.
Soudain, un livre épais tombe sur son ventre. Elle retire ses lunettes, lève un œil et fixe la silhouette en contre-jour.
— Tu as été difficile à retrouver, Loukoum, annonce J. Heska en s’installant à côté d’elle.
— Je croyais pouvoir me faire oublier… un peu plus longtemps.
— Ronin le pensait également. Il est train de nourrir les poissons en plein milieu de l’atlantique.
— Ton manuscrit va être tout de même publié ?
— Il faut croire que le « ménage » n’a pas été très bien fait chez Transit Éditions. J’ai retrouvé quelques éditeurs
qui n’avaient pas été assassinés. Terrifiés, mais prêt à retravailler. Je suppose qu’amener la tête de Gallimard dans un bocal les a suffisamment mis en confiance pour l’avenir. Bref, il sort le
14 février… S’il n’y a aucun autre complot international.
Elle lui répond par un clin d’œil.
— Et, qu’est-ce vous comptez faire de moi, monsieur l’écrivain ? Vous savez aussi bien que moi que je ne suis plus un
danger…
Elle se mord la lèvre inférieure, et prend une pose lascive. J. Heska arbore un sourire, se penche vers elle au point
d’effleurer ses lèvres.
— Tu crois vraiment que je vais tomber dans le panneau ?
Il lui attrape le poignet, et le lui tord à le casser.
— Je me demande si les poissons caribéens te trouveront à leur goût.
FIN
Et voilà, c’est terminé ! Une grande louchée de Jason Bourne, un poil de James Bond, un soupçon d’arme fatale, et un peu de sadisme à la fin 😉
C’est pas croyable tout ce qui peut t’arriver. J’en serais presque jaloux 😉
Oui, mais d’habitude, ça ne va pas aussi loin, juste trois meurtres et deux explosions par-ci par-là, le truc normal, quoi !
9 heures GMT
La musique de la Guerre des Etoiles retentit ( toujours cette musique , depuis toujours ) . Sous le choc ( le Devoir m’attend ) , je me léve péniblement . Lentement je passe devant la porte de la
salle de bains pour rejoindre la cuisine .
Mon bol bleu marqué ( depuis que je suis écrivain ) » J.Heska » en grand et en blanc trône sur la table . Je souléve le paquet de chocapics .
-MERDE !!!
Le paquet est vide .
9.17 heures GMT
Décidé , je retourne me coucher .
Dans un monde idéal …
Mais… Mais… comment sais-tu pour le bol ?