Un monde idéal où nous ne sommes plus prisonniers de nos corps

Max se réveilla sur son lit d’hôpital, encore groggy par l’anesthésie. Les yeux embrumés, il devina les silhouettes de ses parents dans un coin. Il se racla la gorge, tenta de se redresser sur son matelas, mais constata qu’il n’arrivait plus à bouger les jambes ni les bras. Il releva la tête. À la place de ce qui avait été ses membres, ne subsistaient plus que des moignons, vagues bourrelets de peau d’où s’extirpaient des petites boîtes blanches clignotantes.

Il relâcha les muscles de sa nuque. Sa tête s’enfonça dans son oreiller.

— Tu es heureux ? cracha sa mère. Le prix de ta bêtise…

Max allait bafouiller sa réponse quand le chirurgien pénétra dans la chambre.

— Voilà notre héros, commença-t-il en auscultant les boîtiers. Bien. Les constantes sont correctes, et l’opération s’est déroulée normalement. Pose des prothèses dès que la cicatrisation sera effective.

Son père souffla de dépit.

— Arrête ! râla Max. Tout le monde fait ça, aujourd’hui ! Vous êtes les seuls à vous traîner avec vos muscles vérolés, vos genoux et vos coudes flingués, vos doigts tremblants. Moi j’en ai fini avec ça, je serai deux fois plus fort et rapide que vous ne l’avez jamais été.

— Je vais peut-être vous laisser, dit le médecin, décontenancé.

— Non, non. Je veux mes nouveaux membres. Peu importe ce qu’ils peuvent penser, ils sont dépassés. Montrez-moi vos mains.

Le praticien tendit à regret ses prothèses en micro-écailles de nanotubes de carbone. Les veines translucides saturées de la solution de nanoparticules pulsaient sous l’alliage souple et rigide.

— Ma profession l’exige, se justifia-t-il. Plus rapide, plus précis, plus efficace.

— Tu vois, insista Max en plantant son regard dans les prunelles de son père. C’est l’évolution. Homo technologicus. Alors, arrête de m’emmerder avec tes principes préhistoriques !

Dans un monde idéal…