Un monde idéal où la mort n’est qu’une étape

 

ame_ether.jpegLe visage de la vieille femme pivota vers son mari. Ses lèvres violacées tremblaient. La vie glissait entre ses doigts. Celui-ci comprit aussitôt, s’extirpa du fauteuil inconfortable
de la chambre d’hôpital et lui prit la main.

— Je vais partir, murmura-t-elle, alors qu’elle sentait une force l’aspirer vers le haut.

Il posa son menton sur sa poitrine et l’embrassa amoureusement, comme lorsqu’ils avaient vingt ans.

— Ça n’a pas été facile tous les jours, dit-il en caressant ses cheveux blancs. Mais je t’ai aimé toute ma vie.

Elle sourit. Une lumière blanche envahit son champ de vision. Elle tendit les bras, vers cet éclat réconfortant qui voulait
l’accueillir.

Les yeux de la vieille femme se figèrent sur les néons blafards de la chambre d’hôpital. Une dernière larme coula le long de ses
joues creusées par le temps. Le petit homme étouffa son sanglot.

 

Elle prit conscience d’elle-même. Comme si elle avait toujours su. Comme si elle venait d’être libérée d’un carcan. Elle n’était
que nébuleuse dans cette substance éthérée. Des formes se distinguaient à ses côtés, l’entouraient, enveloppaient son essence de tourbillons d’âmes qui cherchaient à établir le contact.

— Alors ? lui demandèrent-elles d’une unique voix qui s’établissait dans son esprit.

— Une expérience intéressante, leur transmit-elle avec un flot de souvenirs, de sentiments, de regrets.

Elle avait apprécié l’immersion. Et elle n’avait qu’une envie à présent, se replonger dans un corps et s’initier à nouveau de la
délicieuse solitude physique que l’on nommait la vie.

 

Dans un monde idéal…

 


9 réflexions au sujet de « Un monde idéal où la mort n’est qu’une étape »

  1. J’adore 🙂

    Ca me donne une impression poétique que je ne peux expliquer 😉

    (Quand au taux de suicide, je ne suis pas d’accord ! A quoi sert de se suicider si la vie n’est qu’une étape ?)

  2. @ Emmanuel : Merci 🙂 Justement, si on a la preuve qu’il y a quelque-chose après la mort, dès que notre vie devient un peu merdique, hop, on reboot le système et on relance la partie. (moi je vois
    les choses du côté pessimiste 😉 )
    @ Robert : je suis toujours vivant ! Yes !
    Oui, enfin, quand je disais ça pour le topinambour, j’exagérais juste un poil 😉

  3. Joli ! La fin est très poétique (dernière phrase magnifique), j’aime bien l’idée « d’immersion » (transitoire)!

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