Un monde idéal où nous ne sommes que des poussières d’étoile

 

Gamma_sursaut.jpg— On ne peut pas dire que vous soyez une
lumière, David…

L’intéressé tourna les yeux et fixa sa directrice, qui lui adressait le sourire de façade habituel quand elle distillait son venin. Un vent glacial souffla aussitôt dans la salle de réunion
bondée. Les participants se jetaient des regards gênés. David se contenta de grimacer et plongea dans son écran d’ordinateur. Sa supérieure incompétente n’avait une fois de plus rien compris à la
situation et avait cru heureux de l’humilier pour marquer son territoire…

 

À 6 000 années-lumière de là, l’étoile A56K-567 connaît les ultimes instants d’une vie de plus de quinze milliards d’années. Les dernières molécules d’hydrogène contenues dans ses réserves
viennent d’être grignotées
. L’astre grossit pour devenir une géante rouge, atteignant quatre-vingts fois sa taille initiale, absorbant toutes les planètes qui gravitent autour
d’elle.

 

— Je suis désolé, mais votre profil ne correspond pas exactement à ce que nous recherchons.

David balança son C.V. au visage du recruteur et claqua la porte. Lui faire traverser la France entière pour le jeter comme un détritus au bout de dix minutes d’entretien le révulsait. Plus de
six mois qu’il cherchait à s’échapper de son poste malsain, en vain, malgré ses compétences et sa motivation. Il était bloqué avec cette directrice hystérique. Rien ne pourrait arranger sa
situation.

 

Le noyau se contracte brusquement. La couronne extérieure de l’étoile explose en dégageant une quantité phénoménale d’énergie. La graine s’effondre sur lui-même et crée un puits
gravitationnel qui piège la matière, les gaz, et enfin, la lumière.

 

Sa petite-amie souleva les deux grosses valises et les chargea dans le coffre de la voiture. David resta vautré dans son lit, à mouiller son oreiller de larmes. « Prends du recul » lui
avait-elle lancé avant de le quitter pour de bon. Encore son travail qui revenait sur le tapis. Qui l’empoisonnait, qui l’empêchait d’accéder au bonheur. Il détestait sa vie, il se détestait.

 

Le cadavre de A56K-567 se transforme en un trou noir crachant à la vitesse de la lumière de violents jets de plasma concentrés. Ceux-ci traversent le vide intersidéral de l’espace,
rencontrent des systèmes solaires qu’ils grillent sans même ralentir, assèchent des nébuleuses.

 

Il s’enferma dans la salle de bain. Il vida l’armoire à pharmacie, tomba sur le vieux rasoir tranchant qu’il n’utilisait plus. Il remplit la baignoire d’eau bouillante. Il avait lu quelque part
que cela empêcherait le sang de coaguler.  Il s’apprêtait à s’immerger quand son regard fut attiré au dehors. Le ciel venait de prendre une drôle de couleur orangée. Il ouvrit la fenêtre. Il
faisait effroyablement chaud. Il sentait comme un poids sur sa poitrine qui entravait sa respiration.

 

Le sursaut gamma détruit la couche d’ozone de la petite planète bleue gravitant autour de la naine jaune. L’oxygène de l’atmosphère s’enflamme, les océans se vaporisent, les continents se
désintègrent. Lorsque la vague de radiation quitte enfin le système, la planète foisonnante de vie n’est plus qu’un rocher terne, fait de cendres et de ruines.

De poussières d’étoile.

 

Dans un monde idéal…

 

 


7 réflexions au sujet de « Un monde idéal où nous ne sommes que des poussières d’étoile »

  1. Et oui, la fin du monde !!!! C’est le moment d’envoyer valser toutes les contraintes ! 🙂 (enfin, je vais attendre quand même un peu qu’on soit bien sûr de la fin du monde)

  2. Le pauvre, il n’a même pas eu le temps de se raser avant de mourir. Le soleil pourrait au moins faire l’effort d’attendre un peu, cet égocentrique.

  3. @ Dkjoe : Il faut voir le bon côté des choses, le soleil l’a rasé gratis (et un peu desséché la peau aussi, mais on, on a rien sans rien 😉 )
    @ Robert : C’est un gros suicide collectif 🙂

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