— Attention à la voiture !
Erwin ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il s’était endormi debout. Autour de lui, les autres personnes qui faisaient la queue semblaient ne pas avoir remarqué son coup d’éclat. Un couple s’égosillait derrière lui. Un homme essayait de subtiliser le ticket de quelqu’un qui s’était évanoui sur un siège. Une femme riait nerveusement. Sa bouche était pâteuse, ses jambes tremblaient. Cette scène avait des airs de déjà-vu.
— Quarante !
Un monsieur grassouillet se dirigea vers le comptoir. La file d’attente avança d’un maigre pas. Erwin fixa la feuille administrative sur lequel était agrafé son numéro, le 223, et laissa son esprit s’égarer sur ce drôle de rêve. À cette voiture qui fonçait droit sur lui alors qu’il venait de traverser la rue sans regarder. Un songe étonnamment réaliste. Il souffla.
— Soixante-cinq !
Le temps paraissait vouloir se figer sur place. Déjà plus de trois heures qu’il patientait. Un bébé se mit à pleurer tandis que des gamins abandonnés par des parents résignés démolissaient tout autour d’eux. Il crevait de faim, mourait de soif, rêvait d’une bonne douche et d’un café glacé.
— Cent quinze !
Il eut envie de hurler sur place. La chaleur étouffante des souffleuses le faisait transpirer à grosses gouttes. Des gens s’allongeaient au sol et perdaient toute contenance. Certains viraient même à la folie, lançant des insultes autour d’eux. Pourquoi attendait-il déjà ? Il étudia la feuille qu’on lui avait donnée, et fut bien incapable de la déchiffrer.
— Deux cent vingt-trois !
C’était son numéro. Enfin. Plus de huit heures qu’il piétinait. La langue sèche, au bord de l’épuisement, il s’approcha de la guichetière à l’air maussade et lui tendit son ticket. Elle le pointa du doigt et ouvrit la bouche.
— Attention à la voiture !
Erwin ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il s’était endormi debout. Autour de lui, les autres personnes qui faisaient la queue semblaient ne pas avoir remarqué son coup d’éclat. Un couple s’égosillait derrière lui…
Dans un monde idéal…
J’ai toujours dit que la file d’attente de la préfecture était un châtiment infernal…
Alors imagine si tu dois le subir pour l’éternité 😉
Elle aurait au moins pu lui filer un nouveau ticket 🙂
C’est marrant parce qu’à la base l’histoire finissait comme ça. Mais du coup, on perdait trop le côté « boucle temporelle » et on gagnait trop en réalisme pour que cette magnifique allégorie sur l’Enfer devienne compréhensible (comme je parle trop bien) 😉
Les deux sont compatibles … 😉
Bon, il va falloir que je trouve une autre excuse alors que « j’ai la flemme de corriger » 😉
L’enfer ceux sont les administrations? 🙂
Pas du tout !!!! L’administration est l’Enfer, et non pas l’inverse. Heu…
😉
j’apprécie cette magnifique allégorie sur l’Enfer . Son côté » boucle temporelle » lui donne sa magnificence !
A bientôt et excellente nuit .
Toi aussi Robert, tu parles trop bien 😉
Tu es très fort, je pense que tu as découvert ce que les croyants craignent depuis des millénaires !
Et les non-croyants aussi, parce que se retrouver là-dedans, quels que soient sa couleur de peau, sa religion, son origine, ça doit être affreux (enfin, sauf pour les allemands ;- ))