Un monde idéal où les chats servent enfin à quelque-chose

La porte d’entrée s’ouvrit sur l’appartement obscur. Le rai de lumière en provenance du couloir s’épaissit jusqu’à laisser apparaître une Croquette miaulant à s’en déchirer la voix.
Guillaume se pencha et lui fit une caresse. Puis, tandis qu’il posait ses clés sur la commode et enlevait ses chaussures, il jeta un œil à son intérieur. La vaisselle s’entassait dans l’évier,
des monticules de poils s’accumulaient derrière les portes, les vêtements sales s’amoncelaient dans la corbeille à linge.

Comme d’habitude, Croquette avait dormi toute l’après-midi sans rien nettoyer. Pas même un coup d’aspirateur ou de serpillère. Il
soupira, les autres propriétaires de chats étaient si heureux avec leurs félins dévoués et travailleurs, qui briquaient l’intérieur comme des majordomes britanniques maniaques, et leurs
préparaient des repas chauds et savoureux.

Elle s’amusait à courir autour de ses jambes en miaulant.

— Quoi, qu’y a-t-il ? dit-il, exaspéré, en suivant la boule de poils dans la salle à manger.

Il faillit s’étrangler quand il vit la table admirablement dressée. Des bougies se consumaient sur une nappe tressée, une
bouteille de vin débouchée attendait patiemment d’être servie, et une assiette sur laquelle reposait un couvre-plat ne demandait qu’à dévoiler son exquis contenu.

Il s’installa, le sourire aux lèvres, tout en regrettant ses pensées de l’instant.

La petite patte leva la cloche, découvrant les restes d’un oiseau cru à moitié dévoré, recouvert d’une dizaine de croquettes. Des
entrailles vermillon coulaient lentement sur la faïence beige. Guillaume s’affaissa sur la chaise. Croquette émit un petit miaulement et poussa du museau la fourchette pour l’inciter à
manger.

Décidément, elle ne servait vraiment à rien.  

Dans un monde idéal…

Et pour vous montrer que les chats, ce sont vraiment des glandeurs… :